Un peintre ça peint (vous êtes estomaqués, non ?). Ca peint des portraits, des pommes, des ponts, des rues, des lampions, des formes, des lignes et des couleurs (si j’ai oublié quelque chose faites-m’en part. Ah, oui, des femmes nues, allongées, qui mangent des pommes sous un lampion).
Certains peintres peignent très bien (j’en profite pour les féliciter) mais ne racontent rien. Il exposent, voilà. Boum.
Et d’autres racontent des histoires. Moi c’est ceux que je préfère.
Hopper est un gars à part : il raconte tout en un, parce qu’il choisi le moment exact de l’histoire le plus vaste, le plus dur à trouver, celui où tout est possible.
Il peint ce qui vient d’arriver, ce qui arrive, ce qui ne s’est pas encore passé. Et comme il ne nous prend pas pour des andouilles, il nous laisse faire pour imaginer ce qui vient d’arriver, ce qui arrive, ce qui ne s’est pas encore passé.
Et puis, il y a ses personnages, seuls, mais pas seuls bof pas glop, non non, seuls de la grande solitude, la grosse, celle de l’Humanité qui sait sa finitude et sa petitesse.
Du coup, j’ai envie d’approcher ceux ou celles qu’il peint, de savoir ce qu’ils veulent, où ils vont, ce qu’ils pensent. Et même des fois, j’ai envie de les consoler.
Et même quand il ne peint personne, quelqu’un est là, qu’on pourrait presque apercevoir, si on bougeait un peu la tête.
C’est un drôle de peintre. Il est très connu. En même temps, je me demande si on peut vraiment le connaître.
J’ai lu plusieurs articles sur lui. Je sais qu’il aimait la France, parler et écrire le français, et qu’il pouvait réciter du Verlaine, qu’il aimait aller au cinéma quand il n’avait pas d’inspiration, que sa maison la plus célèbre a servi de modèle à Hitchcock pour celle de Psychose, je sais des tas de trucs, mais pas grand chose au fond.
C’est même ce que je préfère chez Hopper, ne pas savoir…
Kiki
17 juillet 2007 at 09:53
J’aime aussi beaucoup Hopper.
Cette manière qu’il a de peindre des scènes à la fois anodines et pourtant si lourdes de sentiments divers.
Merci Kiki !
17 juillet 2007 at 13:29
Comme elle en parle, à chaque fois, de peinture !!!! Sûr que si on rassemble toutes les chroniques sur le sujet, qu’on les imprime sur un beau papier avec une couverture autour et qu’on pose le tour sur les présentoirs des librairies, ça va se vendre comme des p’tits pains.
Moi, le café Phillies, ça fait des lustres que je me le mets régulièrement en fond d’écran.
Je suppose que vous y êtes allés mais toutes les repros (en grand) se trouvent ici : http://www.artchive.com/artchive/H/hopper.html
Bravo !
17 juillet 2007 at 14:39
Merci Jmesuis, et merci Cowboy, et pour les compliments et pour le lien, y’avait ce tableau là que je ne connaissais pas et qu’est quand même pas la moitié d’une tanche :
http://www.artchive.com/artchive/H/hopper/hopper_hotel_lobby.jpg.html
Kiki 🙂
17 juillet 2007 at 21:11
oh! merci kiki! hopper est un de mes peintres préférés! celle du bar la nuit avec le couple et le serveur avec le tit chapeau, trône dans mon salon! ce que j’aime, chez lui, c’est qu’on a l’impression d’assister à une scène de l’extérieur, un peu comme dans un film. ça ressemble un peu à un décor de carton pâte. il y a un côté figé dans le temps, quasi photographique, et à la fois, ce sont des scènes intimistes, presque indiscrètes à contempler. parce qu’il se passe quelque chose qui échappe au peintre lui-même. un sentiment de fin du monde larvée, imminente. c’est magnifique et étrange.
18 juillet 2007 at 00:40
Chais pas… peut-être trop d’histoire, justement. Chais pas…
18 juillet 2007 at 07:51
ben moi ,je ne fais que passer entre deux voyages, mais c’est toujours un plaisir aussi grand de te lire kiki, c’est vrai que tu parles bien de tout ça… bravo…. Hopper, j’aime moi aussi…. lumière et silence….
18 juillet 2007 at 09:01
hopper ça veut dire sauterelle en anglais
(oui, je sais, derrière tous ces écrits vachement intelligents j’ai l’air d’une fada, mais c’est ça que j’avais envie de dire :-p)
18 juillet 2007 at 10:51
Très beau propos (je répète ce que tout le monde a dit, car j’arrive bien tard). On pourrait dire que la plus grande peinture est celle qui recèle une énigme, et dont le souvenir est capable de nous travailler longtemps après la vision. je ne crois pas qu’il y ait trop d’histoire chez Hopper, que la peinture soit trop narrative, comme le dit Ardalia, au contraire, je vois plutôt ça comme une suspension, un suspens. C’est une chose qui manque souvent dans l’art contemporain qui me semble, paradoxalement, trop expressif.
18 juillet 2007 at 11:30
Merci Kiki. Ce que tu fais est d’une magnifique qualité. Je suis de l’avis de Cowboy, tu donnes vraiment envie de regarder et d’aimer la peinture. ce serait bien qu’un jour tu compiles tout ça et qu’un éditeur intelligent t’aide à le diffuser…
18 juillet 2007 at 12:19
A l’avenir,n Fabiani sera bien aimable de ne pas interpréter mes mots et, d’ici là, de vérifier le sens du mot « peut-être » dans le dictionnaire.
Une nuit de bons conseils plus tard, donc! A mes yeux, ce qui est intéressant, c’est l’absence d’histoire, justement, la fracture temporelle et historique : le lieu de tous les possibles.
C’est aussi votre vision à tous, mais ma lecture nocturne m’a bloquée sur ce mot « histoire ». L’art pictural est hors du récit, s’il donne à montrer, c’est pour laisser deviner un ailleurs invisible. Excusez-moi, j’ai été un peu longue à la détente.
18 juillet 2007 at 13:49
Tidoigts, c’est vrai ce sentiment de fin du monde.
Tilu, la lumière, tu as raison, il est fort en lumière.
Madame de K, « sauterelle » ? Tu crois qu’on s’est foutu de lui quand il était petit ? Pauvre Edward…
Fabiani, l’énigme, c’est ce qu’il y a de mieux (citation du Père Fourrasse)
Ludion, c’est très gentil, ainsi, j’atteindrais mon but ultime, être rémunérée en faisant rien qu’à m’amuser, m’amuser plus pour gagner plus, ouaip, c’est pas le bon slogan…
Ardalia, j’ai vérifié dans le dico, « peut-être », 1680 puet estre, ellipse de puet cel estre, cela peut être, tu te rends compte du vieux mot ? Mais, avant, 1680, comment exprimait-on le doute ? En haussant les épaules, sans doute, ou en disant sans doute éventuellement… Et l’ailleurs invisible, c’est tout-à-fait ça.
Kiki 🙂
ps: quand tu gères un commentaire pour rectifier une faute de frappe (bon, une faute d’orthographe, j’avoue) eh ben, des lignes se sautent aléatoirement : ce monde imprésible est à la limite du surprenant…
18 juillet 2007 at 14:37
« des lignes se sautent aléatoirement »
Rah, encore un coup de la physique quantique!
😉
18 juillet 2007 at 18:01
rhâââ la la, la tarte à la crème… Hopper!
Bon, ok, je suis fan aussi… de l’histoire (?!), des sentiments, de l’instant, et tout et tout. Et la couleur, la lumière. Ouais, tout ça.
19 juillet 2007 at 08:40
Un régal quand Kiki décortique les peintres (sans leur faire mal).
Bien d’accord avec Cow-Boy pour le papier glacé, les étagères des libraires et tout et tout…
Sinon, en goguette à Aix (en-Provence, pas les-bains, ni la-Chapelle) j’ai vu au Musée Granet un exemplaire du « JAZZ » de Matisse dont vous nous parlâtes tantôt. Dommage, il était sous vitrine, pas moyen de le consulter… Mais j’ai bien pensé à vous chers Posuto.
19 juillet 2007 at 10:17
Les tableaux de Hopper sont comme des histoires non-dites. C’est le type qui s’assoit pour raconter et ça s’arrête à cet instant. A nous d’inventer le reste…
Un peu comme dans les nouvelles de Raymond Carver, un peu…
🙂
19 juillet 2007 at 10:50
Je ne vais pas en rajouter sur les qualités de Hopper (un de mes peintres préférés).
Je vais plutôt parler du texte qui accompagne ici les images : justement, ce qui me plaît, c’est qu’il (le texte) reste aussi vivant, chaleureux et présent, malgré la beauté écrasante des tableaux qu’il décrit.
19 juillet 2007 at 17:00
Bine, tout ça tout ça ? Aussi moi. (je suis littéraire, quand je veux)
Ange7, au Musée du Catteau Cambraisis, je crois, il y a des épreuves de Jazz avec des petites épingles de couleur qui font tenir les morceaux de papier, Matisse-couturière en quelque sorte. Merci d’avoir pensé à nous !
Filaplomb, je ne connais pas Raymond Carver, il va falloir que je m’y colle visiblement.
Le Yéti, merci de la visite et du commentaire ! (quand je pense que mon plus jeune fils a très peur des Yétis, je vais lui dire qu’il en existe des sympathiques sur le net)
Kiki 🙂